La Provence - Digne - Edition
 
Le "J’accuse" du petit-fils de Gaston Dominici

Apr�s un premier ouvrage �crit il y a cinq ans, Alain Dominici publie demain, une lettre ouverte au chef de l’Etat. Il y d�nonce les erreurs de l’enqu�te avant de demander la r�vision du proc�s

Alain Dominici (� gauche) et William Reymond devant la prison de Digne o� Gaston Dominici fut enferm� durant le proc�s - Photo Eric CAMOIN

"L’affaire Dominici n’existe pas. Sans preuves et sans mobile, elle n’est rien d’autre qu’une effroyable erreur judiciaire. L’affaire Dominici n’existe pas. Et cette v�rit�-l� devrait vous suffire, Monsieur le Pr�sident, pour ordonner la r�vision de la d�cision du 28 novembre 1954".
Ce jour-l� la cour d’assises de ce qui �tait encore les Basses-Alpes condamnait � mort Gaston Dominici, un agriculteur de Lurs ag� de 77 ans, pour le meurtre d’un couple de touristes anglais et de leur fille, les Drummond, retrouv�s deux ans plus t�t assassin�s pr�s de sa ferme. Pr�s d’un demi-si�cle plus tard, apr�s six demandes en r�vision demeur�es vaines, la premi�re avait �t� d�pos�e d�s 1956 par les avocats de Gaston, Mes Emile Pollak, Pierre Charrier et Ren� Floriot- Alain Dominici, l’un des petit-fils du Patriarche de la Grand-Terre, a d�cid� de s’adresser solennellement, au travers d’une Lettre ouverte pour la r�vision qui para�t demain chez Flammarion, au chef de l’�tat.

Onze ans d’enqu�tes et de combat
225 pages qui r�sument onze ans d’enqu�tes et de combats. Point par point, Alain Dominici et le journaliste William Reymond qui en est le co-auteur, s’attachent � y d�monter toutes les pi�ces du dossier. � montrer cette "logique de la ville" qui fut celle du commissaire Sebeille le "super-flic marseillais", "un commissaire ne menant pas une investigation polici�re mais bel est bien un combat personnel". Et l’enfoncement des Dominici dans une "logique" de l’enfermement.
Ils mettent en lumi�re les t�moignages n�glig�s qui contredisent la version des policiers. Ou celui du facteur de Lurs qui affirma avoir vu les anglais dans leur Hillman dans le village la veille du drame.
Ils s’�tonnent que l’on ne se soit pas d’avantage pench� sur la personnalit� de Sir Jack Drummond, un brillant scientifique qui fut sans doute aussi un discret et efficace agent des services secrets britanniques travaillant sur les armes chimiques notamment les gaz toxiques. Il est prouv� aujourd’hui qu’avant le drame, il avait d�j� fait plusieurs voyages dans le sud de la France. Il aurait m�me eu un rendez-vous � Lurs en 1947 avec un myst�rieux interlocuteur. S’int�ressait-il aux activit�s de l’usine chimique de Saint-Auban toute proche, alors � la pointe de la recherche ?
Et comment avoir n�glig� la piste de cet autre couple d’Anglais qui semble avoir suivi les Drummond comme leur ombre tout au long de leur p�riple du mois d’ao�t 1952 qui allait les conduire de Domr�my jusqu’� Digne ?

Des pi�ces du proc�s retrouv�es aux archives
Et ce n’est pas tout. Les auteurs r�v�lent aussi quelques faits incroyables. Comme ces pi�ces importantes du dossier, un second �clat de la crosse de la carabine qui servit � fracasser le cr�ne de la petite Elisabeth Drummond, une balle �cras�e, la culotte macul�e de sang de la malheureuse enfant, �cart�es des pi�ces du proc�s et que l’on retrouvera, pr�s de quarante ans plus tard, dans un dossier oubli� des archives d�partementales install�es � l’�poque tout pr�s du tribunal de Digne !
Comme est incroyable le fait qu’ait �t� �cart� le t�moignage d’un certain Wilheim Bartkowski, un Allemand connu des services de police comme "l’homme aux 80crimes et d�lits" entendu successivement par la police allemande, la police anglaise et la police fran�aise qui s’accusait, avec une stup�fiante pr�cision, d’avoir particip� au triple meurtre de Lurs. On pense aujourd’hui qu’il fut, en pleine guerre froide, un homme de main des services secrets tch�ques, bras arm� des sovi�tiques.
Alors y a-t-il derri�re tout cela, comme l’affirment les auteurs, une affaire d’Etat? Le pr�sident Ren� Coty savait-il lorsqu’il commua en 1957 la peine de mort de Gaston Dominici en travaux forc�s � perp�tuit� ? Et le g�n�ral De Gaulle lorsqu’il gracia le vieil homme en 1960, "coupable" selon les jur�s bas-alpins, faut-il le rappeler d’avoir assassin� trois personnes et achev�e une enfant de dix ans � coups de crosse !, moins de six ans apr�s le proc�s ?
Aujourd’hui sans doute est-il temps de r�examiner sereinement toutes les pi�ces du dossier. De reprendre tous les �l�ments de l’enqu�te. Et de rejuger, sans haine et sans passion, avec le recul qu’apporte un demi-si�cle d’histoire, l’affaire de Lurs. Il y va de l’honneur des Dominici. Et de l’honneur de la Justice.

Andr�-Denis MOUSSET - La Provence -
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